Tous les oiseaux du ciel / All the birds, singing d’Evie Wyld

All the birds, singing d’Evie Wyld, Random House 2013
Tous les oiseaux du ciel traduit par Mireille Vignol, Actes Sud 2014

 

Résumé de l’éditeur : Jake Whyte, une jeune Australienne, s’est réfugiée sur une île britannique où elle s’occupe seule d’un élevage de moutons. Le jour où plusieurs de ses bêtes sont sauvagement mutilées, la police locale ne semble pas prendre sa plainte au sérieux. Pourtant, Jake se sent menacée. Ce passé tourmenté et douloureux qu’elle pensait avoir laissé derrière elle en fuyant sa terre natale l’aurait-il rattrapée ?
Tandis que Jake mène son enquête, nous sont révélés, dans un reflux de la mémoire, les événements à l’origine de son départ d’Australie. Des instantanés de vie qui éclairent peu à peu la personnalité de cette femme secrète.

Evie Wyld a rencontré son premier succès avec Après le feu, un murmure doux et léger (Actes Sud, 2013), qui a été sélectionné par plusieurs prix prestigieux, notamment l’Orange Prize pour les jeunes écrivains, le prix du Commonwealth et le prix International IMPAC Dublin. Depuis quelques années, elle est l’une des auteures les plus prometteuses de sa génération, et elle est aussi anglo-australienne. Je pense que ces deux critères suffisent pour parler d’elle sur ce blog.

Tous les oiseaux du ciel a reçu le prix Miles Franklin en 2014 ainsi que quelques autres prix littéraires. En France, ce roman a été remarqué et a été sélectionné pour le Prix Médicis étranger. Malheureusement, elle s’est fait coiffer au poteau par une compatriote, Lily Brett pour Lola Brenski.

Après avoir bataillé avec de nombreux sites Internet pour acheter le livre électronique, j’ai enfin pu le télécharger grâce au site Le furet du nord, et me plonger dans la lecture de ce dernier roman d’Evie Wild. Vu ce que j’avais lu sur le net, mes attentes étaient élevées… peut-être est-ce pour cela que j’ai été un peu déçue. Bon, je m’explique, parce que je l’ai quand même dévoré.

Les chapitres alternent entre la vie actuelle de Jake, sur une île britannique, et les flashbacks qui nous amènent aux quatre coins de l’Australie. Ces flashbacks se déroulent en sens inverse, de la vie adulte de Jake à son enfance. On découvre donc progressivement les raisons qui l’ont amenée à quitter l’Australie, pourquoi elle est brouillée avec sa famille et d’où viennent les marques sur son dos. Le rythme du roman est impeccable et les informations distillées au compte goûte par l’auteur exacerbe la tension et la compassion envers Jake et son mystérieux passé.

J’ai beaucoup aimé les chapitres qui dépeignaient l’ambiance des « shearing sheds », les hangars de tonte pour les moutons :

La journée a été longue et chaude en ce début de mars et, sous la croûte du toit galvanisé, l’air du hangar de tonte est épais comme une soupe, infesté de mouches boursouflées. […]  Je vais récupérer ma tondeuse dans le hangar sans réfléchir à la suite des événements. Le hangar sent bon. Une odeur de sueur et de crotte, de lanoline et d’essence de térébenthine. Je n’arrive pas à m’imaginer loin d’ici. Un opossum griffe le toit de tôle.

J’avais un peu l’impression de découvrir l’Australie profonde, celle que l’on voit en photo, sans jamais vraiment s’en approcher. C’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles elle a reçu le prix Miles Franklin, car elle dépeint nettement « les différents aspects de la vie en Australie », condition essentielle pour se voir décerner le prix.

Un bon livre qui mérite le détour sans pour autant atteindre la première place de mon Top 10.

Une pluie de prix pour les Autraliens

Quelques jours après l’annonce du Booker Prize qui a couronné l’auteur autralien Richard Flanagan pour son livre The Narrow Road to the Deep North (Random House, 2014), le prix Médicis étranger 2014 vient de récompenser Lily Brett pour son livre Lola Bensky (La grande ourse, 2014). À noter que le livre Tous les oiseaux du ciel (Actes Sud, 2014) d’Evie Wyld, auteur britannico-australienne très en vogue en ce moment, faisait également partie de la sélection.

 

Un coup de projecteur bienvenu sur la superbe littérature australienne !

The rehearsal / La répétition d’Eleanor Catton

The rehearsal d’Eleanor Catton, Granta 2008
La répétition traduit par Erika Abrams, Denoël 2011 ; Folio 2013

Je n’ai, bien entendu, par fait le tour de la littérature australienne, mais quand un auteur de la région pacifique émerge (ici, la Nouvelle-Zélande), il est important d’en parler. Eleanor Catton est donc Canado-Néo Zélandaise et a reçu le Man Booker prize 2013 pour son roman Les luminaires. Ce prix littéraire récompense un auteur originaire de Grande-Bretagne ou d’un pays du Commonwealth et apporte gloire et renommé à celui qui l’emporte. J’avais lu des critiques assez élogieuses sur son deuxième roman Les luminaires, mais j’ai préféré commencer par son premier roman, La répétition dont l’histoire sur fond de théâtre m’a tout de suite séduite.

L’histoire :

Un scandale éclate dans un lycée de jeunes filles : Mr. Saladin, le professeur de musique, est renvoyé pour avoir entretenu des relations coupables avec l’une de ses élèves, Victoria. Les camarades de classe de l’adolescente et sa jeune sœur se confient tour à tour à leur professeur de saxophone. Toutes sont en émoi, comme brusquement propulsées dans un monde de désir, de choix, de fantasmes dont elles pressentent obscurément qu’ils forgent la vie tout entière. Les adultes, englués dans leurs angoisses et leur lâcheté, essaient tant bien que mal d’endiguer l’onde de choc. L’affaire agite les conversations jusqu’à l’obsession et l’école de théâtre locale finit même par l’adapter en pièce de fin d’année, brouillant définitivement les frontières entre réalité et fiction. En cours de saxophone ou sur les planches, les jeunes personnages expérimentent leur propre désir et celui d’autrui. En sortiront-ils indemnes?

J’ai été déstabilisée dès les premières pages car je n’arrivais pas à comprendre où commençait la pièce de théâtre pour laisser la place à la réalité (du roman, bien entendu). Et même après avoir refermé le livre, je ne suis pas sûre d’avoir distingué ce qui était vrai de ce qui était inventé. Eleanor Catton à propos de ce roman « Si j’ai appris quelque chose avec ce livre, confie-t-elle, c’est que les questions que se pose le lecteur au début ne doivent jamais trouver de réponse à la fin. Il faut que ces questions se transforment. Si elles disparaissent, si on y répond ou si elles demeurent telles quelles, cela veut juste dire que le livre n’est pas bon. » Le monde 08/11. Nous sommes spectateurs d’une pièce de théâtre mettant en scène des adolescents qui apprennent à devenir adultes, sans qu’ils sachent réellement comment faire. Ils tâtonnent maladroitement pour trouver leur marque et font face à des situations crues qui les déstabilisent tel que l’érotisme, la manipulation, les tabous de la société. Ils sont partagés entre leur envie de faire partie du monde des adultes, et leurs réflexes enfantins.

J’ai énormément aimé ce livre, je pense même qu’il fait maintenant partie de mon TOP 3 des livres à lire. C’est un roman complexe, finement tissé et incroyablement beau. Pas de fausses notes ni de faux pas, si vous cherchez un roman qui sort des sentiers battus et qui remettra en question vos certitudes, choisissez-le les yeux fermés !

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