Amnesia / Le virus de l’amnésie de Peter Carey

Amnesia de Peter Carey, Hamish Hamilton 2014
Le virus de l’amnésie traduit par Johan-Frédérik Hel-Guedj, Actes Sud 2016

 

Résumé de l’éditeur : Felix Moore, journaliste d’investigation de la vieille école, accepte le défi : enquêter sur les raisons qui ont amené la jeune hackeuse australienne Gaby Baillieux à concevoir un virus informatique pour déverrouiller un millier de portes de prisons australiennes et américaines. Convaincu que l’acte de Gaby et de ses amis est le prolongement de sa propre lutte contre la mainmise des États-Unis sur la politique intérieure de son pays, le journaliste s’attirera des ennuis…

Quatre ans après avoir lu Véritable histoire du Gang Kelly, je me plonge dans le dernier roman de Peter Carey, Le virus de l’amnésie. J’avais beaucoup aimé son roman sur le Gang Kelly, mais je savais aussi que ses romans nécessitaient « de l’espace de cerveau disponible ». Ceux qui s’attendent à lire un roman à la « Wikileaks » (Julian Assange est d’ailleurs australien) seront sans doute déçus, car Carey se concentre plutôt sur les liens étroits qui unissent depuis longtemps les États-Unis et l’Australie au travers de l’histoire de Gaby « Ange déchu » Baillieux. On explore donc les années 40, alors que les forces japonaises bombardaient le pays et que les soldats américains se trouvaient sur le sol Australie. Puis, Peter Carey nous raconte les années 70, sous le gouvernement travailliste de Gouth Whitlam. À cette période, le gouvernement australien avait décidé de prendre ses distances avec les États-Unis. Ils ont rapatrié leurs soldats du Vietnam, ont critiqué les essais nucléaires et ont menacé de ne pas renouveler l’accord que les États-Unis et l’Australie avaient conclut concernant la gestion conjointe de Pine Gap (au sud-est d’Alice Spring). Officiellement présenté comme une station de poursuite spatiale, ce complexe sous haute sécurité servirait en fait d’oreilles du monde. Whitlam a rapidement été destitué par le gouverneur général, sous l’impulsion des forces britanniques et américaines.

L’Insomnie du roman de Carey concerne, entre autres, cette faculté du peuple australien (qui n’est pas le seul, confie-t-il) de ne pas voir les abus commis les Américains à l’époque du renversement du gouvernement Whitlam. Dans un article de The Australian, il explique que ce roman critique l’habitude des Australiens à « oublier », que ce soit pour la colonisation de l’Australie, considérée Terra nullius afin de justifier les meurtres et le vol. Aujourd’hui encore ils rejettent les boat people, oubliant au passage qu’ils ont été eux-mêmes des immigrants arrivant par bateau et défendant bec et ongle cette île qui ne leur appartient pas.

Finalement, le récit commence véritablement lorsque Felix finit par rencontrer brièvement Gaby dans une petite cabane perdu au milieu de nul part – la scène de « l’enlèvement » est d’ailleurs d’une grande drôlerie. Il faut donc attendre une centaine de page pour en venir au sujet du livre. Cette rencontre de courte durée lui permet, si ce n’est, d’interviewer Gaby de vive voix, au moins, de récupérer des dizaines de cassettes sur lesquelles Gaby et Céline racontent tour à tour leur vie. Assis derrière sa machine à écrire dans un coin perdu du Victoria, il écoute ces enregistrements.

Malheureusement, je dois avouer que ce roman me tombe un peu des mains, même si l’écriture (et la traduction!) de Peter Carey est drôle et décalée. Je pense que l’histoire de cette jeune hackeuse et de son enfance dans la banlieue de Melbourne ne me fait pas voyager, bien qu’on y découvre une facette méconnue de l’Australie — dans un quartier ouvrier pauvre et politisé. Comme Peter Carey est tout de même un grand auteur, je me suis un peu forcée à continuer la lecture du Virus de l’amnésie, mais j’en viens maintenant à ne plus du tout me réjouir de mes quelques heures de lecture, je préfère donc abandonner et commencer un autre livre qui est sur ma table de nuit, qui j’espère, me plaira plus. C’est ça le problème avec les auteurs réputés, on se sent un peu coupable de ne pas aimer et l’on se demande bien pourquoi ! Mais bon, je vais cette fois-ci mettre ma culpabilité dans ma poche et retrouver l’envie de lire au fond de mon lit.

 

 

 

Les 10 livres australiens qu’il faut avoir lus dans sa vie

S’il n’y en avait que 10, ce serait ceux-là !

Le bookclub du mardi de la chaine ABC vient de rendre public le Top 10 des livres australiens qu’il faut avoir lus dans sa vie.  Le vote a été effectué par plus de 20,000 lecteurs et téléspectateurs de l’émission. Les trois premiers livres arrivant largement en tête.

Alors,  si vous êtes à court d’inspiration pour Noël… voici quelques idées :

1. Cloudstreet de Tim Winton (même titre en anglais)

2. La voleuse de livres de Markus Zusak (The Book Thief)

3. A Fortunate Life d’Albert Facey  (indisponible en français) essai

4. La harpe du Sud de Ruth Park (The Harp in the South)

5. La Puissance de l’ange de Bryce Courtenay  (The Power of One)

6. Le secret de Jasper Jones de Craig Silvey (Jasper Jones)

7. Les aventures du Pudding magique de Norman Lindsay (The Magic Pudding)

8. La gifle de Christos Tsiolkas (The Slap)

9. Le fleuve secret de Kate Grenville (The Secret River)

10. Picnic at Hanging Rock de Joan Lindsay (même titre en anglais)

Journey to the Stone Country d’Alex Miller

Allen & Unwin

Un peu de contexte: Le processus de Réconciliation a officiellement commencé en 1991 à la suite d’un rapport de la Royal Commission sur la mort d’aborigènes en détention. La Réconciliation a pour but de développer l’unité et le respect entre les aborigènes, les habitants de l’île de Torres Strait et les australiens non-indigènes, et obtenir une égalité de justice pour tous. Cela implique une meilleure compréhension de l’histoire qui a influencé les relations entre les indigènes et les colons, et l’importance du respect de chaque culture.

A cette même période, des éléments cachés sur les dépossessions et le génocide des peuples indigènes furent révèles grâce à des enquêtes menées à travers le pays. Houda Joubail, auteure de la thèse National Mythology and Colonial Trauma in Alex Miller’s Journey to the Stone Country explique que « ces révélations bouleversantes plongèrent les descendants de colons australiens dans la honte et la culpabilité, et incitèrent de nombreux auteurs contemporains non-aborigènes à écrire sur ces sujets jusqu’alors tabous ». Alex Miller à priori plein de bonnes intentions pour exposer ce chapitre noir de l’histoire australienne fait, dans ce livre, de la réalité du colonialisme et de la souffrance des aborigènes  « une représentation peu convaincante d’un point de vue postcoloniale. En effet à travers l’utilisation d’une série de stratégies représentationnelles et discursives équivoques, l’auteur tend à diminuer l’impact de la violence coloniale ». N’étant en rien experte sur ce sujet, j’ai hâte de pouvoir lire la thèse complète de Houda pour pouvoir mieux comprendre sa vision des choses.

L’histoire : Annabelle est marié avec Stephen Kuen depuis plus de 15 ans. Ils habitent à Melbourne où elle enseigne à l’université. Un jour en rentrant chez eux, elle trouve une lettre de Stephen lui expliquant qu’il part vivre avec une de ses étudiantes. Dévastée par la nouvelle, Annabelle contacte une ancienne amie restée vivre dans sa région natale du Queensland. Celle-ci lui suggère de prendre l’avion sans attendre et de venir passer quelques jours à Townville pour se remettre ses idées en place.

Pour Annabelle, c’est le début d’une nouvelle vie. Elle rencontre Bo Rennie, un gardien de betails aborigène qui travaillait de temps à autre pour son père. Ensemble, ils partent à Burrandah pour y effectuer une enquête culturelle sur un site de construction d’un barrage. Annabelle commence à se plaire en la compagnie de Bo et ne veut plus le quitter. Bo lui suggère de l’accompagner plus loin encore dans cette région inhospitalière qu’est la Ranna Valey. Après une vingtaine d’années d’absence, ils reviennent sur les lieux de leur enfance et les terres sacrées du peuple Jangga.

Ce livre écrit de façon très minutieuse décrit les longs trajets sur les routes poussiéreuses de du Queensland, la monotonie et l’isolement de la vie dans ces endroits reculés. Le personnage principal de l’histoire n’est ni Bo ni Annabelle, mais Granma Rennie. Tout tourne autour d’elle, tout les attire vers elle et vers son passé tragique. Lorsqu’elle était jeune, elle avait épousé un homme blanc et vécu aussi longtemps que possible à Verbana Creek, là où se dirigent Annabelle et Bo.

Honnêtement, je suis assez partagée sur ce livre. D’un côté, je trouve qu’Alex Miller décrit très bien la région du Queensland, les petites villes fermières et les grands espaces. D’un autre, je n’avais qu’une envie c’était de le finir. J’ai trouvé le récit très lent, comme l’est la vie dans le bush. Les descriptions sont excessives dans leurs longueurs et dans leurs nombres. Mais au fond, n’est-ce pas ce que sont en train de vivre Bo et Annabelle en parcourant la route si douloureuse de leur enfance ? Peut-être n’ai-je pas encore apprivoisé le paysage australien pour pouvoir apprécier pleinement sa beauté…

Après avoir refermé le livre, je réalise que Journey to the Stone Country est sans doute le premier vrai roman australien que je lis. Celui qui me parle vraiment du pays et de ses habitants.

Pour en savoir plus sur le processus de Réconciliation, visitez http://reconciliaction.org.au.

Alex Miller est né en Angleterre et a immigré en Australie à l’âge de 16 ans. Il a écrit de nombreux romans se déroulant dans le Queensland, une des régions les plus reculées du pays. Journey to the Stone Country fut publié en 2002, et a remporté le Prix Miles Franklin. Le seul roman d’Alex Miller disponible pour le moment en français est Lovesong (traduit par Pertat), paru aux Editions Phébus. En 2013, Phébus publiera son dernier roman, Autumn Laing.

Allen & Unwin, 2002
364 pages

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