Bereft / Les affligés de Chris Womersley

Albin Michel

Bereft de Chris Womersley, Scribe Editions 2011
Les affligés traduit par Valérie Malfoy, Albin Michel 2012

L’agneau leva vers lui un regard naïf et chassa les mouches posées sur ses oreilles et son nez. De nouveau il bêla et lui donna un coup de tête à la jambe. Quinn s’agenouilla pour caresser sa tête osseuse. […] Il pouvait sentir son haleine moite et parfumée, et ce parfum – si chaud et confiant, si vivant – provoqua, mystérieusement, ses sanglots.

Un roman fascinant, haletant. À lire absolument.

Nous sommes peu après la victoire des Alliés en 1919. Un petit village d’Australie ‘Flint’  voit le retour d’un de ses fils. Mais très vite on se rend compte qu’un drame s’est produit dans la vie de Quinn, le héros de ce roman à suspense.

Quelques années plus tôt, Sarah, la petite sœur de Quinn Walker est retrouvée assassinée. À ses côtés son grand frère, ahuri, tient un couteau dans sa main. Il s’enfuit. Pas de doute, il est ‘l’Assassin’.

De retour de la guerre, il retourne à l’endroit maudit. Il revoit sa mère qui le sait innocent, atteinte de la grippe espagnole Il doit vivre comme un fugitif, ne pouvant pas se laisser voir de son père et de son oncle qui le pendraient s’ils l’attrapaient.

Pendant les quelques semaines que vit Quinn de retour à Flint, il rencontre la petite Sadie Fox, dont le père s’est enfuit, qui vient de perdre sa mère de la grippe, et qui attend le retour de son frère, Thomas, parti à la guerre.

Ce roman de fuite est angoissant et passionnant. Les descriptions du quotidien du héros, de ses regrets et de ses souvenirs de la guerre sont plus vraies que nature. On est sur-le-champ de bataille avec Quinn, on frémit quand il a peur, on frissonne quand il a froid dans les tranchées parmi les corps des soldats.

Sa mère murmura quelque chose. Quinn se pencha.
– Quoi, maman… ?
– Tu avais peur ?
– Oui
– Mais tu y es allé quand même
– Je n’avais pas trop le choix. J’ai beaucoup prié.

Mary ouvrit les yeux.

– Quand tu n’étais qu’un nourrisson, ton cœur battait si vite que c’était à croire que tu en avais deux ! tu as toujours été courageux…

[…]

Il lui parla de la bataille pour le village de Pozières – enfin, ce dont il se rappelait avant l’explosion de l’obus qui l’avait projeté au sol. […] Il s’était passé pire encore, par la suite, mais il n’en parla pas. Il n’y avait pas de mots pour décrire ces horreurs, où alors il aurait fallu utiliser tous les mots à la fois, les dépouillant par là même de leur sens.

Puis il entendit des oiseaux et comprit où il était. La guerre était terminée. On était les vainqueurs. Ah, oui. Anxieux désormais, il se redressa sur son séant, s’essuya la bouche, ayant bavé sur sa cicatrice. Où était la petite ? D’après elle, on avait mis sa tête à prix. Dieu du ciel. Bien sûr.

De retour en Australie, la grippe a frappé le pays, et il ne retrouve que l’ombre des gens qu’il a connus et aimés. Mais il veut venger sa sœur bien-aimée, et trouvera enfin le courage de tenir sa parole.

Ce roman a été récompensé par l’Australian Book Industry Award for Literary Fiction et the Indie Award for Fiction. Il fut également sélectionné pour le Miles Franklin Literary Award, The Age fiction prize et The Australian Literature Society Gold Medal.

Pour écouter l’auteur parler de son livre dans l’émission de France Inter, L’humeur vagabonde animée par Kathleen Evin (émission du 24 Mai 2012), cliquez .